Le célèbre site de commerce électronique Google Shopping propose de visualiser un vêtement sur un modèle proche de sa morphologie et de sa carnation. Découvrez cette avancée de l’IA !
L’Intelligence Artificielle a fait irruption dans les médias grand public lorsque beaucoup se sont emparés des réponses générées par ChatGPT 4. La génération d’images par MidJourney, comme celle du pape François en doudoune blanche, a ensuite engendré son lot de débats. Google ne pouvait pas passer à côté d’un tel bouleversement. Après avoir seulement réagi aux innovations des autres, la filiale d’Alphabet a pris l’initiative de lancer un système d’essayage virtuel utilisant l’IA générative.
Un cours gratuit pour se former à l’IA générative vient d'être ajouté sur le site Internet Google Cloud Skills Boost. Une aubaine pour les néophytes ! Lien vers la formation : https://www.cloudskillsboost.google/course_templates/536
Une réponse technologique à des problèmes réels
Les mannequins sont rarement représentatifs de la clientèle des sites de mode
Il suffit d’avoir feuilleté un magazine de mode pour se rendre compte de la différence entre les physiques arborant les dernières créations et ceux croisés dans la rue. Le phénomène est exacerbé dans l’univers très sélectif de la haute couture, mais il existe aussi dans celui du prêt-à-porter. Les sociétés choisissent, instinctivement ou par calcul, des modèles flatteurs pour porter leurs créations et ainsi mieux donner envie aux client(e)s potentiel(le)s. Google cite d’ailleurs une étude selon laquelle 42 % de la clientèle des sites e-commerce ne se sent pas représentée sur les photos des boutiques en ligne !
La diversité des morphologies et des carnations est largement escamotée
Une étude remontant à 2016 notait que 78 % des mannequins apparaissant dans des publicités de mode étaient blancs. Cette surreprésentation de l’ethnie majoritaire aux États-Unis entraîne une invisibilisation de facto des autres groupes ethniques présents sur le territoire américain, comme les afro-américains ou les hispano-américains. La discrimination par la taille est sans doute encore plus largement répandue. Les modèles sont choisis de préférence plutôt minces, et en tout cas loin de certains physiques hors normes qui existent pourtant.
Après Meta, Google intègre de l’IA générative
Il est bien évidemment impossible de réaliser suffisamment de shootings pour montrer chaque vêtement dans toute la gamme des tailles disponibles et tous les types de carnations existant. La combinaison de ces deux critères nécessiterait en effet plusieurs dizaines de modèles portant chaque vêtement, ce qui engendrerait un coût prohibitif. La solution de Google est donc d’utiliser l’IA générative pour ajuster l’image originelle du vêtement sur toute une série de mannequins afin que chacune puisse trouver celle qui lui ressemble.
Google s’appuie sur la génération par l’IA pour proposer une visualisation sur mesure
Un nouveau bouton pour essayer
La nouveauté de la plateforme e-commerce Google Shopping se cache derrière un bouton « Try On », que l’on pourrait traduire par « Essayer ». Ce choix est proposé uniquement aux acheteuses américaines. Il n’est accessible que pour les hauts féminins, et seulement sur certains sites. On peut donc considérer que cette nouvelle fonctionnalité est dans son ultime phase de test avant une probable généralisation.
Google offre un choix de modèles réels aux américaines
Les mannequins sur lesquels les vêtements sont présentés sont de vraies personnes, un choix technologique qui garantit un plus grand réalisme dans la morphologie. Les utilisatrices peuvent choisir leur taille, depuis le XXS jusqu’au 4XL. Cette gamme complète de neuf tailles couvre a priori tout l’éventail des morphologies possibles. L’acheteuse peut également sélectionner le type du mannequin pour voir le vêtement sur une personne qui se rapproche de sa propre apparence et ainsi mieux se projeter.
L’IA générative se charge de créer l’image réaliste du vêtement porté
La prouesse est de créer la photo imaginaire du vêtement réel porté par le mannequin réel, en associant les deux images pour en créer une nouvelle. Le modèle informatique utilisé par Google Shopping a été entraîné préalablement sur des millions d’images, jusqu’à obtenir un rendu réaliste du tombé des vêtements.
L’essayage virtuel est un outil commercial… et peut-être même écologique !
Le nouvel outil renforce la position de Google Shopping comme acteur essentiel
La place de marché de Google va certainement bénéficier d’un effet de curiosité. Ce n’est cependant pas là l’essentiel, un tel effet étant appelé à se dissiper rapidement. En revanche le fait de proposer une fonctionnalité exclusive, qui n’est pour l’instant pas disponible sur d’autres sites, est un véritable plus. Celles qui ne se retrouvent pas dans les photos standardisées des e-boutiques apprécieront sans doute de pouvoir regarder les vêtements dont elles ont envie sur des modèles qui leur ressemblent !
Les possibilités d’essayage s’accompagnent de suggestions intéressantes… et intéressées
L’utilisatrice n’a pas seulement accès à un essayage virtuel par le truchement du bouton « Try On ». Elle se voit aussi proposer des alternatives si le vêtement ne lui plaît finalement pas après visualisation. Le vêtement alternatif est là encore déterminé par l’IA de Google. Il n’est pas obligatoirement choisi chez le même e-commerçant que le vêtement initialement essayé. Google Shopping devient ainsi une méta-boutique, proposant à ses utilisatrices le meilleur, ou en tout cas supposé tel, de tous les sites ayant signé un partenariat ad hoc. L’objectif est très certainement d’augmenter le taux d’achat, c’est-à-dire la probabilité qu’une utilisatrice passe de prospect regardant un top à consommatrice ayant commandé !
Le nouvel outil pourrait diminuer les taux de retour
L’un des freins les plus couramment cités par les consommateurs face au e-commerce est la difficulté à se rendre compte de l’apparence réelle du produit. Google cite des chiffres selon lesquels 59 % des acheteurs en ligne seraient actuellement déçus après avoir reçu le vêtement commandé en voyant comment il tombe sur eux. Zalando, l’un des acteurs européens du e-commerce, subit un taux de retour de 50 %. Ces déceptions et ces retours sont un des problèmes majeurs du commerce en ligne. La confiance de l’acheteur est minée par le risque de déception. La gestion d’un retour a un coût important, aussi bien économique qu’écologique. Cela entraîne des transports inutiles et même souvent la destruction des produits retournés. Toute initiative diminuant efficacement cette insatisfaction et ces retours peut à fois booster l’e-commerce et diminuer son empreinte écologique !
L’essayage virtuel de Google inquiète certains… et il a encore des limites
Le mannequin virtuel pourrait s’accaparer le travail des modèles physiques
De nombreuses études font état de risques de suppressions d’emploi liés à l’IA. Les performances de logiciels tels que ChatGPT 4 pourraient ainsi faire disparaître les postes de certaines personnes, dont le travail pourrait être accompli par une IA. Les modèles pour vêtements, qui sont loin de gagner aussi bien leur vie que les stars du mannequinat, craignent que l’imagerie virtuelle diminue le besoin d’imagerie réelle… et donc les possibilités de poser pour des shootings !
L’essayage virtuel n’est proposé que dans certains cas
Le bouton « Try On » de Google n’est disponible que sous certaines conditions :
- exclusivement pour les femmes : la solution n’est pas encore proposée pour les hommes, alors qu’ils constituent la moitié de la clientèle potentielle ;
- seulement pour les hauts : l’outil n’est pas accessible pour les jupes et pantalons, sans doute parce que la génération est plus délicate pour la partie inférieure du corps et notamment au niveau des hanches et du postérieur ;
- uniquement pour certains marchands : l’enjeu pour Google est très certainement de fédérer suffisamment de sites pour devenir incontournable et s’imposer comme la place (de marché) où être ;
- et pas en dehors des États-Unis : il est difficile d’imaginer que Google se contente longtemps d’une telle limite géographique, alors qu’il est un acteur mondial.
La levée de ces diverses restrictions sera le signe de la maturité de l’outil de Google… et sans doute aussi de son redoutable potentiel commercial ! Il est aussi probable que soit envisagée à terme la possibilité de proposer un essayage virtuel au sens plein du terme, en permettant à l’utilisateur de se voir portant le vêtement, même si cela pose quelques problèmes de compatibilité avec les règles californiennes et européennes (RGPD) sur la protection des données individuelles.