La montée en puissance du Web, des réseaux sociaux et du mobile a transformé l’approche du séjour touristique, à tel point qu’aujourd’hui, on parle de e-tourisme. Pour s’adapter aux nouvelles pratiques des voyageurs, il faut inévitablement effectuer une transition numérique et déployer des stratégies digitales pertinentes. Les réseaux sociaux peuvent notamment être des outils particulièrement intéressants dans le secteur du tourisme.
Nous allons voir comment un acteur du tourisme peut utiliser les réseaux sociaux et d’autres outils marketing pour attirer des visiteurs vers sa destination touristique. Pour tenter de comprendre les enjeux et les opportunités du E-tourisme, nous avons réalisé l’interview de Samir Sirat, Chargé de Communication et E-Marketing pour l’Office de Tourisme de Rouen.
Présentation de Samir Sirat
Samir Sirat est en charge de la communication et du webmarketing de l’Office de Tourisme de Rouen depuis 2009. Depuis son arrivée, il a élaboré et déployé la stratégie digitale de l’Office de Tourisme avec un objectif de présence sur le Web, de notoriété et de conversion pour attirer les visiteurs jusqu’à Rouen.
L’Office de Tourisme en chiffres
En tant qu’acteur du tourisme, comment percevez-vous l’enjeu du Web et des réseaux sociaux dans votre secteur ?
La digitalisation du secteur est incontournable. En ce qui nous concerne, elle s’est faite en deux temps :
- Une stratégie digitale a d’abord été menée sur notre site. La refonte du site s’est accompagnée d’une stratégie de référencement. Nous avons aussi fait en sorte de rendre le site Responsive, ce qui est primordial aujourd’hui. Puis, nous avons travaillé sur la ligne éditoriale, le design ou encore la création de contenus.
- En parallèle, nous avons réfléchi à une stratégie sur les réseaux sociaux, notamment avec la mise en place de partenariats avec des influenceurs du Web.
Force est de constater que la stratégie digitale déployée depuis 2009 porte ses fruits. La fréquentation physique de l’Office de Tourisme est restée stable, entre 300 000 et 350 000 visiteurs par an. À l’inverse, le trafic sur le site Internet a été multipliée par 3, en passant de 250 000 à plus de 700 000 visiteurs.
Aujourd’hui, si l’on cherche une information, on la trouve à n’importe quel moment, n’importe où et depuis quel n’importe quel appareil (pc, tablette, smartphone). Mais en tant qu’Office de Tourisme, vous êtes avant tout un lieu d’accueil physique. Comment faites-vous pour attirer les visiteurs jusque dans l’Office ? Mettez-vous en place des stratégies Web-to-store ?
La digitalisation de l’Office de Tourisme a également mis en lumière un nouveau parcours client. On remarque que nos visiteurs se servent surtout de notre site Internet avant et pendant leur séjour. Mais le digital a ses limites, rien ne vaut des conseils personnalisés à l’accueil de l’Office de Tourisme. Le site ne supplante pas l’accueil physique, il est complémentaire.
Un exemple : même si les plans touristiques de Rouen et sa région sont disponibles sur notre site, les visiteurs préfèrent avoir la version papier disponible à l’accueil. Finalement par la force des choses les visiteurs ont toujours le réflexe de se rendre à l’Office de Tourisme, en particulier les visiteurs plus âgés qui préfèrent être informés ou réservés des visites directement à l’accueil. De même, la ville de Rouen ne disposant pas de bornes wifi dans la ville, les visiteurs étrangers ont davantage tendance à venir ici. Les limites du digital nous servent indirectement de stratégie Web-to-store.
L’Office de Tourisme souffre malheureusement d’une image un peu vieillissante, notamment chez les jeunes. Comment comptez-vous les séduire ?
Notre présence active sur les réseaux sociaux vient justement d’une volonté de séduire les jeunes. Nous ciblons en particulier les jeunes actifs de 25 à 35 ans. C’est pour ça que nous sommes essentiellement présents sur les réseaux sociaux où ils sont majoritairement inscrits, à savoir Facebook et Instagram.
Mais nous envisageons aussi de cibler des visiteurs beaucoup plus jeunes. En revanche, il faut d’abord que l’on travaille en amont sur des offres et des activités à leur proposer avant d’entamer une stratégie de communication.
Sur quels réseaux sociaux êtes-vous actifs ?
Outre Facebook et Instagram, nous sommes présents sur Twitter dont on a un usage essentiellement professionnel. C’est notamment un formidable point de contact avec les journalistes.
Selon vous, est-ce qu’il y a des réseaux sociaux plus pertinents que les autres en ce qui concerne le secteur du tourisme ? En ce qui concerne l’Office de Tourisme ?
S’il y a bien un réseau social à retenir, c’est Instagram. La communication par l’image est essentielle dans le secteur du tourisme. C’est tout l’intérêt d’Instagram, d’autant que les photos de voyages et paysages rencontrent beaucoup de succès sur le réseau social.
Pouvez-vous nous donner un exemple de stratégie qui a été mise en place sur ce canal ?
Nous sommes d’abord partis de deux constats sur notre destination :
- En interne : il y a un manque de sentiment d’appartenance de la part des Rouennais qui privilégient d’autres destinations touristiques alors que Rouen et la Normandie ont beaucoup à offrir.
- En externe : il y a un manque d’image sur Rouen, et la Normandie en général. Si tant est qu’il y en ait une, c’est plutôt une image vieillissante.
Partant de ce constat, nous avons entamé une stratégie sur les réseaux sociaux pour réenchanter l’image de Rouen. C’est donc sur Instagram que notre principale stratégie s’est portée depuis 2013. Elle repose dans un premier temps sur un réseau local. En faisant de la veille (suivi de comptes, mentions et hashtags), on trouve de belles photos de la ville que l’on reposte ensuite. Puis, nous avons au fur et à mesure lancé une stratégie de marketing d’influence en faisant appel à des influenceurs du Web. On les rémunère sur la base de création de contenus ou bien en prenant en charge les frais d’accueil.
Pouvez-vous nous en dire plus ?
Aujourd’hui, nous réalisons un gros travail avec des influenceurs du Web, en l’occurrence des blogueurs et des instagrammers. Nous les sélectionnons en fonction de deux critères :
- leur talent, suivant leur créativité et la qualité de leurs contenus ;
- leur audience, en termes de qualité et de quantité (si elle est engagée et si elle correspond à notre cible).
Nous réservons ensuite aux influenceurs un accueil totalement personnalisé, nous sommes aux petits soins avec eux pour que leur séjour se déroule dans les meilleures conditions possibles, et surtout pour qu’il garde une excellente image de Rouen. Par exemple, s’ils veulent prendre une photo du haut de l’Abbatiale Saint-Ouen, nous leur donnons l’accès. Notre rôle est vraiment d’être là en tant que facilitateur pour accéder à leurs demandes et privatiser certains lieux.
Selon vous, quelle est la clé du succès quand on se lance dans le marketing d’influence ?
On met un point d’honneur à laisser le champ libre à tous nos influenceurs. Nous nous adaptons totalement à eux et à leurs envies, et nous n’intervenons en aucune manière sur le thème et le contenu de l’article ou la photo. Nous n’imposons rien, ils établissent eux-mêmes le programme. Et c’est pour cette raison que ça fonctionne très bien. Vous savez dans le milieu des influenceurs, il y a un réseau très fort et beaucoup de bouche à oreille. Si un influenceur garde un très bon souvenir de son séjour à Rouen, alors il en parlera autour de lui, à sa communauté d’une part, mais aussi à d’autres influenceurs.
Quels sont vos retours d’expérience à ce sujet ? Les résultats sont-ils concluants ?
Les résultats sont très positifs si bien que des influenceurs eux-mêmes nous contactent pour venir à Rouen. Ils sont soit séduits par la destination, soit d’autres influenceurs nous ont recommandés. Certains magasins mentionnés sur des blogs d’influenceurs ont aussi eu de belles retombées. C’est vraiment encourageant !