Le secteur de la technologie chinoise devient trop puissant selon les autorités locales. Pékin décide donc de taper sur les doigts de ces géants du numérique qui profitent des législations chinoises, trop laxistes en termes de concurrence, de protection des données personnelles et de paiement par Internet.
L’amende de 2,3 milliards d’euros donnée à Alibaba
Après quatre mois d’enquête, les autorités chinoises ont appliqué une lourde amende de 2,3 milliards d’euros (18 milliards de yuans) au géant du commerce en ligne, Alibaba. Cette somme correspond à 4 % du chiffre d’affaires réalisés en 2019 par la firme dans son pays d’origine. En effet, il est accusé de profiter de sa position de leader du marché chinois pour avoir recours à des pratiques commerciales déloyales. À savoir, qu’entre autres, Alibaba impose à ses vendeurs de vendre exclusivement sur sa plateforme, au détriment des sites concurrents comme Amazon et au détriment des clients, qui ne profite pas d’un marché concurrentiel. Selon l’Administration chinoise du cyberespace (CAC), la concurrence déloyale « est un frein à l’innovation et au développement et porte atteinte aux intérêts des consommateurs ».
Une peine pour l’exemple
Après l’amende délivrée à Alibaba par l’autorité de régulation des marchés (SAMR) ce 10 avril, c’est au tour des autres puissants. En effet, la CAC, la SAMR et l’administration fiscale ont réalisé une réunion pour poser un ultimatum à 34 entreprises du numérique. Ces sociétés ont un mois pour corriger leurs défauts de pratiques concurrentielles déloyales sous peine de « lourdes sanctions ». On y retrouve les BATX, outre Alibaba, les géants de l’internet Baidu, Tencent avec WeChat, ByteDance, propriétaire de TikTok, mais aussi Meituan, qui propose toute une gamme de services allant de la livraison de repas à la réservation de billets de cinéma.
Une menace pour le gouvernement chinois
Selon Larry Ong, analyste au cabinet SinoInsider, la situation de monopole des géants du numérique « fait peser d’immenses risques financiers et politiques au régime » à l’approche du 20e Congrès du Parti communiste en 2022. Les autorités compétentes veulent donc réduire l’influence des géants du numériques, qui sont à ce jour, trop puissants.
Reprendre possession de l’économie
En reprenant le contrôle sur les agissements des entreprises du numériques, le gouvernement chinois compte bien forcer les BATX à servir les intérêts du pays. Suite à l’affaire d’Alibaba, la filiale Ant Group, propriétaire d’Alipay, a dû restructurer son organisation en holding pour que l’État se retrouve actionnaire majoritaire. Par cela, Ant Group devra suivre les règles des banques traditionnelles chinoises.
En effet, selon une enseignante en droit à l’Université de Hong Kong, Ant Group jouit d’un avantage concurrentiel important de par les quantités de données personnelles récoltées par le biais d’Alipay. Par conséquent, ce resserrage de vis a pour but de limiter la marge de manœuvre de la filiale dans des secteurs où elle est présente, comme la finance ou les assurances pour ainsi privilégier la concurrence dans ces secteurs.
Pas le premier recadrage de la part du gouvernement
Ce n’est pas le premier recadrage qu’a mené le gouvernement chinois. En effet, le fondateur d’Alibaba, Jack Ma, milliardaire et homme le plus riche de Chine, s’est attaqué, en octobre 2020, aux services publics chinois en disant que les banquiers chinois étaient des « prêteurs sur gage » et qualifiant le système de réglementation chinois et les règles bancaires mondiales de “club de personnes âgées”, devant le bras droit de Xi Jinping. Suite à ces déclarations, Jack Ma a « disparu » durant presque 88 jours et est resurgit lors d’une conférence où il ventait l’ère de prospérité partagée qui s’ouvre, grâce au régime.
Acceptation de la sanction
Malgré la somme considérable que doit verser Alibaba aux autorités chinoises, l’entreprise fait amende honorable en annonçant la mise en place de nouvelles mesures visant à soutenir les commerçants. C’est ainsi qu’Alibaba affirme avoir réduit les charges qui pèsent sur les vendeurs et les frais de service et avoir investi dans des technologies performantes destinées à ces derniers. Cependant, toutes ces améliorations de conditions réduisent la rentabilité du géant chinois. Mais, le directeur général, Daniel Zhang, les considère comme nécessaires au meilleur fonctionnement de la plateforme.
Un coup-de-poing trop important
Avec la une mise en concurrence plus importante, le titan du numérique risque de perdre sa place de leader du marché. Ce qui distribuerait les cartes autrement entre toutes les autres firmes qui agissent sur le même secteur en ligne. Également, les actions mises en place par les autorités de régulation de la concurrence pourraient avoir de lourdes conséquences sur les modèles actuels des entreprises et seraient sûrement contraintes de les modifier pour continuer de générer une rentabilité importante.
En dépit de tout cela, les investisseurs ont profité de ces nouvelles et ont fait grimper les actions d’Alibaba de 9 % à la Bourse de Hong Kong alors qu’elles avaient perdu environ un quart de leur valeur depuis le mois de novembre 2020.